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Exposition collective « rosa rosa rosae rosae »

Interview



En septembre aura lieu l’exposition collective « rosa rosa rosae rosae ». 27 artistes d’origines multiples travaillant à Bruxelles sur des médiums artistes pluriels - vidéo, son, dessins , écriture, théâtre - sont réunis. Au programme : des performances, des installations, des workshops et un livre d’artistes. Il aurait fallu l’édition complète de cet Info Culture pour donner voix aux coulisses de cette rencontre qui ouvre la rentrée culturelle à la Maison Pelgrims. En voici un bref aperçu en compagnie de la curatrice de l’exposition Pauline Hatzigeorgiou et de l’une des artistes, Sofia Caesar.




Sofia Caesar


Artiste depuis 2010 mais je pense que j’ai commencé quand j’étais petite vers 4 ou 5 ans

Formations en danse thérapie au Brésil (Rio)

Selon vous un artiste c’est une personne

Si vous ne vous étiez pas engagé dans l’art , j’aurais été cuisinière



Pauline Hatzigeorgiou


Curatrice depuis 2015

Formations en Histoire de l’art et par de nombreuses expériences. Je viens d’un milieu artistique, ça a donc toujours été là.

Selon vous un artiste c’est différentes choses en fonction des espaces. La réponse de Sofia était très belle. Ce sont des manières de se définir. C’est ça la lutte en fait : se définir soi-même.

Si vous ne vous étiez pas engagé dans l’art… plus proche de la nature, autour de la Méditerranée.



Que se cache-t-il derrière ce titre (qui renvoie indéniablement aux déclinaisons latines) ?


Pauline H.: il se cache plein de choses. De fait, il y a ce souvenir parfois un peu douloureux (le latin c’est à la fois le jeu et la contrainte, enfin pour moi) des déclinaisons latines avec cet obstacle de l’enseignement qui veut faire apprendre une répétition abstraite. Le titre fait en réalité écho à deux références : il est extrait de l’œuvre photographique Rosa/Rota II de Jan Vercruysse, un artiste belge dont le travail sur le portrait d’artiste, la mémoire, la mort, la présence/absence m’a beaucoup influencée. Et au travail Gertrude Stein avec son célèbre vers : « Rose is a rose is a rose is a rose » dans lequel il y a ce même jeu de répétition d’un terme identique qui renvoie à des significations différentes. Toute l’expo est basée là-dessus.



Sofia Caesar, vous êtes l’une des artistes de cette exposition. Que va-t-on découvrir ?


Dans la racine de tout mon travail, il a une proposition corporelle qui est inspirée des techniques somatiques utilisées dans la danse. Ce sont des petits exercices ou rituels que nous pouvons faire dans notre quotidien.

Mon envie pour l’expo est de proposer un workshop, de créer un moment où on prendra le café ensemble. Nous transformerons le reste du café présent dans les tasses en prenant 5 min pour faire un dessin, un type d’aquarelle. Le café – outre le fait que ce soit une matière coloniale qui renvoie à un traumatisme – est la gazoline de notre énergie, c’est quelque chose qui nous fait travailler, nous rend productifs. Dessiner avec ça, c’est le « désœuvrer ».



D’où vous vient cette idée ?


C’est inspiré d’une artiste brésilienne qui s’appelle Fernanda Gomes. 1 J’avais 8 ans quand je suis entrée dans la maison de cette artiste ( elle a été ma tante pendant 5 ans de ma vie ) ; c’était magique pour moi. Elle a créé un monde imaginaire avec des restes de café, de cigarettes, de fil dentaire… c’était comme « un bon trauma » ; ça a inscrit en moi l’idée qu’il est possible de créer sa propre vie, de s’inventer.

Fernanda m’a transmis ça et moi j’aimerai transmettre ce rituel comme un exercice pratique pour le corps… C’est une invitation…


Pauline : Ce workshop prendra d’ailleurs place dans l’exposition, au cœur d’une nouvelle installation sur laquelle Sofia travaille actuellement.



Y a-t-il quelque chose de particulier à créer un second volet à ce projet ?


Pauline H.: Oui. La première expo a permis de créer des liens, et le fait de la re-monter ( dans une version étoffée) nous donne l’occasion de poursuivre cet accompagnement, ce qui est finalement assez inhabituel pour notre milieu où en général on passe d’un projet à un autre. Le fait d’être à nouveau ensemble, de rejouer, ça induit une autre relation de travail, plus confiante et amicale. Et ça précise le rapport aux pratiques et aux œuvres. Car plusieurs œuvres montrées en 2019 ont depuis lors évolué, elles ont pris de l’ampleur, ou généré d’autres séries…



L’année qui vient de se passer a-t-elle influencé ce qui sera proposé ?


Sofia C.: Oui beaucoup. J’ai commencé à faire ce travail avec le café pendant le 1 er confinement. C’était une façon de me connecter avec le plus intime, avec une façon d’être artiste dans une situation de crise et de questionnement de toutes les formes de vie qu’on a créés aujourd’hui. J’avais la nécessité de vivre de manière plus apaisée. J’ai plus de 300 dessins avec tous les cafés.


Pauline H. : La question du protocole est présente dans l’expo. Elle a pris une tournure particulière en voyant à quel point notre quotidien est régi de protocoles très violents et invasifs qui touchent la question du déplacement du corps et sa circulation. Néanmoins, il n’a pas fallu la pandémie pour le vivre. Ce sont des notions que traitent beaucoup d’artistes ; utiliser ces formes d’autorité et les détourner dans l’art. Il y a donc beaucoup d’œuvres qui prennent un sens particulier du fait de revenir à ces pratiques protocolaires aujourd’hui ; on a l’impression que c’est une manière de réagir au présent mais c’est un rapport sociétal beaucoup plus inscrit.



La transmission et la méditation sont des matrices de cette exposition


Pauline H.: En effet, comme on parle de transmission et de médiation au sein des œuvres proposées, ça me tenait à cœur qu’il y ait des projets qui intègrent la question de la médiation, de la transmission et du partage dans l’œuvre elle-même. Je voulais aller au-delà d’une transmission-méditation réduite à une parole ou une visite.



La question du langage et de la transmission orale est elle aussi centrale


Pauline H. : Le fait de travailler avec des artistes issu.e.s des quatre coins du monde c’est amener leur rapport au langage et voir à quel point on se rejoint et à quel point il y a le non-dit, l’incompris. En ce sens, la médiation ce n’est pas toujours expliquer ou rendre transparent. C’est parfois aussi assumer la part d’opacité dans les choses et créer des espaces pour presque induire cette opacité. Il faut trouver un équilibre entre l’explication des œuvres tout en acceptant qu’il y ait aussi un peu de brouhaha pour garder la densité de l’expression, rester dans l’art ; une fois que l’on a tout expliqué et tout transmis… on est dans la communication.


Mettre en place un jeu tout en assumant qu’il y a le hasard, l’incompris, ou l’absurde. Il y a plusieurs œuvres assez absurdes dans l’expo d’ailleurs ; il en faut !


  • Infos –


Sofia Caesar site : http://sofiacaesar.net/

SB34 site : https://sb34.org/