En février aura lieu l’exposition des Instituts St-Luc (Mons, Bruxelles, Liège et Tournai) qui réunit pendant 2 jours les élèves qui ont reçu une mention à l’occasion du Brevet d’art (voir p.4). Cette distinction est avant tout, comme nous l’explique Magali Michaux (professeure d’Art plastique à St-Luc), « le moment d’une rencontre qui se fait à la fin du parcours scolaire dans le cadre encore sécurisant de l’école mais qui est déjà un pas vers l’extérieur avec un regard nouveau. Une vraie reconnaissance professionnelle par un jury d’experts et un rituel qui permet de sortir de St-Luc ». Tiago Pacheco et Youennic Dethy, tous les deux mentionnés de la section en art « structure de l’habitat » en juin 2022, et actuellement en 1ère année à l’ESA St-Luc, nous partagent leur parcours en compagnie d’Alain Réeff (professeur en « Art et structure de l’habitat »), de Magali Michaux (professeur en Arts plastiques à St Luc Bruxelles) et de Sophia Mghari de l’Institut St-Luc – Bruxelles (cheffe d’atelier à l’Institut St Luc Bruxelles).
Vous avez tous les deux choisi l’option« Art et structure de l’Habitat ». Pouvez-vous nous en dire quelques mots ? Et pourquoi ce choix?
Tiago : C’est un mélange entre ce que l’on fait en archi (concevoir un bâtiment du début à la fin ) avec un aspect artistique parce que l’on fait aussi tout ce qui est aménagement. J’ai choisi cette option au départ d’une question « toute bête » posée à ma mère quand j’étais petit : « comment fait-on un bâtiment ? ». Elle m’a répondu qu’elle ne savait pas mais qu’un jour je lui expliquerai.
Youennic : Depuis tout petit, j’ai toujours eu ce côté créatif : concevoir, créer, imaginer surtout. Du coup, quand je suis rentré à St Luc j’ai su que c’était pour l’archi. C’était comme ma destinée on va dire parce que depuis je n’ai pas raté et ça continue.
Tiago : Je voudrais aussi ajouter que quand je suis arrivée du Portugal avec ma mère, on était à la rue et donc l’activité principale que j’ai eu de mes 6 à 8 ans c’était de regarder autour de moi. C’est à ce moment- là que j’ai posé ma question et que ma mère m’a offert cette réponse et du coup l’occasion que j’ai d’être là maintenant. C’est une fierté de gamin…
Qu’est-ce qui vous a poussé vers d’études secondaires artistiques ?
Tiago : En secondaire, ça s’est compliqué pour moi ; j’étais un élève assez difficile mais qui dessinait beaucoup. Dans l’enseignement général, j’avais l’impression qu’on ne m’accordait pas assez de temps et d’espace pour être moi. Quand je suis arrivé, j’ai vu plein de gens comme moi ; quand j’ai vu que j’étais à ma place, je me suis dit autant en faire quelque chose de bien.
Youennic : De ma 3ème primaire à la 2ème secondaire (dès que j’ai commencé à comprendre que la vie était dure on vadire), j’ai connu des situations d’échec. Quand j’ai doublé ma 2ème secondaire, une éducatrice m’a parlé de St –Luc au moment où je lui ai partage mon souhait de faire l’archi.
L’art, ça vous « apporte » quoi ?
Youennic : ça permet de voyager
Tiago : Ça me permet d’apporter quelque chose à mes travaux. Ça me permet aussi de m’émanciper. De rien j’arrive maintenant à faire quelque chose. Avant, avec un crayon et un papier j’aurai écrit quelque chose ; maintenant je peux dessiner et transformer ce que j’ai dans ma tête en quelque chose de plus palpable.
Recevoir une mention, c’est important dans son parcours ?
Youennic : Je n’étais jamais satisfait de mon travail. Le fait d’avoir reçu cette mention, ça m’a fait un bien incroyable. Je me suis dit : ce que je fais, c’est bien. Cinq personnes l’ont validé sans nous connaître et sans savoir notre parcours.
Tiago : Oui, c’est ça l’avantage d’un jury extérieur. Ils ne me connaissent pas donc ils sont objectifs. A travers mon projet, je montre que moi aussi je vaux la peine et pas parce que le prof m’aime bien ou a envie de me voir exposer.
Peut-on en savoir un plus sur ces projets ?
Tiago : La consigne était de construire un meuble qui pouvait contenir une plante et avoir un rapport direct avec elle. Moi, je n’aime pas les plantes. Du coup, j’ai fait en sorte que la plante ait un rapport avec moi (rires). J’ai choisi l’œillet rouge qui est un symbole de révolution au Portugal. Le prototype devait tourner autour de la plante et j’ai donc fait une table qui tourne autour d’elle au sens direct. Comme la plante est un symbole de la révolution, on retrouve sur la face arrière de la table un jeu de conquête de territoire dont les pions sont les personnages emblématiques de l’histoire du pays.
Youennic : Moi j’ai choisi comme « plantes » des poivrons. Le meuble les accueille et a un espace pour les découper afin de les utiliser en cuisine (qui est une de mes passions cachée). Je me suis inspirée de ce qui me tenais à coeur.
Et le fait d’être exposé, c’est une autre étape encore ?
Tiago : Oui c’est une première pour moi. Je vais pouvoir voir ce que les gens ressentent et captent de mon projet…et savoir si je suis le seul à sentir ça (ce qui n’est pas un problème)
Une dernière chose à ajouter ?
Tiago : Oui. Dans un enseignement général, quand tu assistes à un cours de math par exemple, tu n’es qu’un pourcentage. Le prof connait son cours 100 % et toi 30, 40 %. Dans le domaine artistique, tu peux connaitre des choses que ton prof ne connait pas ; les deux ont des choses s’apprendre. A St-Luc, on est vraiment pris au sérieux et le fait d’être pris au sérieux ma donné envie de prendre mes études au sérieux.
TIAGO PACHECO ET YOUENNIC DETHY
En compagnie de Sophia Mghari, Magali Michaux et Alain Rée