Le focus jeunesse de cette édition nous emmène au CUBE. Un espace participatif dédié aux 15-26 ans aux nombreuses activités et possibilités [1]. Parmi celles-ci, on retrouve les cours et les évènements organisés par le collectif hip hop « Freestyle Lab ». Derrière celui-ci, il y toute une communauté avec à sa tête, une jeune femme aux multiples talents et casquettes (danseuse, chorégraphe, coordinatrice d’évènements, coach, community manager, maman…) : Anissa Brennet. Elle nous reçoit au sein du bureau mis à disposition par le CUBE [2] ; une belle opportunité pour déployer et asseoir ce projet ambitieux.
Alors tout d’abord, le collectif Freestyle Lab, qu’est-ce que c’est ?
C’est une association créée par des danseurs pour des danseurs dont la mission première est de pousser le développement, la visibilité et la professionnalisation de la communauté hip hop belge. Ça passe par l’organisation d’évènements (2 camps annuels, 2 battle annuels, des cours, des workshops, des jams), des collaborations (Kaaitheater, Kanal-Centre Pompidou, Charleroi Danse) mais aussi des créations/performances et une plateforme (insta/facebook).
Cette idée vient de toi ?
L’idée vient de moi oui mais c’est un projet de groupe pour la culture Hip Hop. Y a des connexions, des amitiés, des échanges, des profs, des bénévoles… Parmi les bénévoles, il y a beaucoup de jeunes et c’est important. Je les accompagne aussi afin de les pousser à entreprendre et à porter leur propre projet. Parce que le but est de passer le flambeau de générations en générations.
Comment et pourquoi ce collectif a vu le jour ?
L’idée vient de ma frustration. En 2014, quand j’arrive à Bruxelles, il y un gros down au sein de la communauté hip hop par manque de soutien et de structure. L’idée commence à germer…. En 2016, grâce au soutien du théâtre Zinnema à Anderlecht, je pitch l’idée d’avoir « une salle d’entrainement et d’échange » afin de sortir du froid de la rue (la communauté s’entraine Gare de Nord et du Lux à l’époque) et développe les 1ers projets. Je me rends compte que ma frustration et mon besoin sont ceux de toute une communauté. En 2019, suite à une restructuration -j’ai travaillé pendant 5 ans dans le secteur européen, j’étais coordinatrice d’évènements allant de 100 à 20.000 personnes. C’est important d’en parler parce que de ce boulot-là , j’ai tout appris pour ma situation actuelle- je suis la formation« Boost your project » [3]. C’est une année clé : je développe le projet et j’obtiens mon statut d’artiste. Ça m’a permis de définir que je voulais faire ça à temps plein.
La même année, on organise au Kanal- Centre Pompidou (un de nos partenaires à l’époque) un colloque sur le hip hop. On y présente « L’état des lieux de la danse Hip Hop en Belgique francophone » devant de nombreuses institutions et personnalités politiques. Ça a permis d’ouvrir le dialogue et de lancer des collaborations avec des institutions réputées (Fédération Wallonie-Bruxelles, COCOF…)
Il faut aussi savoir que pour être soutenu, ce n’est pas toujours évident. Parce que le Hip hop c’est : de l’art, de la culture, de la jeunesse, du sport, du « social »… c’est tout ça et nous on le sait, mais ca demande de s’adapter pour entrer dans les cases et obtenir des subventions.
Parle nous un peu de ton parcours. Le hip hop, c’est une culture qui t’anime depuis longtemps ?
Oui. Mon grand frère était fan de hip hop. On a toujours kiffé le hip hop ; on en écoutait tout le temps. Je n’ai pu suivre que quelques cours avant mes études à Louvain-la-Neuve mais c’était l’époque MTV – MCM. J’adorais regarder des clips et émissions de danse. Je n’avais qu’une envie c’est de monter à Bruxelles (je suis de la région de Mons) pour m’entrainer et me faire coacher par Baloo The Cage, mon mentor, qui m’a aussi beaucoup aidé dans Freestyle Lab.
Qu’est ce qui te touche particulièrement ?
C’est l’énergie Hip hop. Pour moi, c’était plus enrichissant une journée de battle que 5 ans en CDI. La connexion avec les gens est tellement forte, on est tellement nous-mêmes. Cette culture elle est libre, ouverte, diversifiée. Tout le monde est bienvenu. Il n’y pas de hiérarchie. Y a tous les niveaux, tous les âges. Je peux échanger avec un ancien de 50 ans comme un tout jeune qui vient de commencer quoi. C’est une communauté qui est très riche dans sa simplicité.
Quelles sont les grandes étapes de ton parcours artistique ?
Je danse / crée des chorégraphies pendant mes études à Louvain-la-Neuve. En 2014, j’ai la chance de suivre un cours de freestyle avec Super Dave à Los Angeles où est de passage une semaine avec un groupe de danseurs. Je ne connaissais pas le freestyle ; ça a tout changé pour moi. On a dansé en se regardant les uns les autres dans les yeux alors que d’habitude on restait face à un miroir. La danse, c’est un échange ! Ensuite, quand j’arrive à Bruxelles, je viens avec l’idée de me faire coacher par Baloo The Cage, qui a entrainé énormément de danseurs belges. Je le connaissais de loin et je voulais qu’il me coache alors je ai insisté pendant des mois et on s’est entrainé quelques années à Gare du Nord.
Le Freestyle, tu nous en dis plus ?
Il y a la scène underground dans laquelle on retrouve tous les danseurs freestyles de plusieurs styles, hip hop, house, popping, krump… C’est les battles, les cercles (cyphers), les jams, … et il y a le milieu plutôt « commercial » où on prépare des chorégraphies. Rien n’empêche que les milieux se croisent mais ils sont très différents.
Qu’est-ce que ça t’apporte d’avoir ce bureau au sein du CuBe ?
J’avais envie de me challenger en planifiant sur du long terme. D’avoir une structure pour le faire et un lieu pour développer les projets c’est précieux.Ici, on propose une session hebdomadaire (pour les 15-26 ans). On va aussi organiser un évènement (jam, workshop, stage) tous les 2 mois. Et puis l’endroit est disponible ; on peut se permettre de saisir des opportunités comme accueillir des pointures de la danse, de passage à Bruxelles ; il est parfait pour ca !J’aimerai aussi organiser des Talks sur des sujets comme la place de la femme, comment structurer son projet, le statuts d’artiste..
Et puis cela va me permettra aussi d’engager des stagiaires et de déléguer un peu. Moi à 22 ans, j’aurai adorer pouvoir être là. Du coup, je me dis que ça sera une belle opportunité pour les jeunes.
Tu as évoqué avec beaucoup d’enthousiasme l’organisation de 2 camps annuels. Que s’y passe t’il ?
C’est un camp international 100% freestyle pour les 14-30 ans. Les profs sont des pointures internationales. Pendant 7 jours, Ils apprennent aux élèves à développer leur danse, leur créativité, leur univers propre. C’est un plongeon en soi, dans la culture, dans l’art. Y a des cours en journée, des jams en soirée. On mange ensemble. On dort sur place (dans la nature flamande). On échange. C’est une semaine super intense et enrichissante, d’un point de vue humain, culturel et artistique. Et puis familiale aussi. Depuis que je suis maman, j’ai organisé ces camps avec mon bébé dans les bras ; certains profs sont venus avec leurs enfants aussi. Il faut aussi savoir que l’été, la communauté – souvent avec peu de moyens - ne voyage pas. Du coup, on blinde avec des activités et le camp en fait partie. Je pense que c’est certainement notre plus beau projet jusqu’à aujourd’hui.
Un mot de la fin ?
Je peux voir tout le chemin parcouru mais je vois aussi ce qu’il reste à faire pour professionnaliser les danseurs Hip Hop. Je continue en ce sens. Et puis je suis aussi trop fière d’annoncer que nous lançons deux bourses pour 2023 ! De quoi soutenir deux danseurs à hauteur de 3000 euros chacun (1500 euros pour leurs projets et 1500 euros en leur offrant l’accès à nos cours – camps – évènements ). On est, je pense, les premiers à offrir ce type de soutien pour les danseurs freestyles.
Plus d’infos sur le collectif
[1] Centre UrBain d’Expression : www.stgilles.brussels/services/jeunesse-2/le-cube/
[2] Le collectif » Freestyle Lab « est lauréat d’un appel à projet lancé par le CuBe qui leur permet de développer leurs activités pendant un an
[3] Village partenaire de Saint-Gilles